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Le sentier des Jésuites

Le sentier des jésuites, aussi appelé maître-sentier des Innus-Montagnais, permet de relier Québec et le lac Saint-Jean par la réserve faunique des laurentides, en passant du bassin versant de la rivière Jacques-Cartier au bassin versant de la rivière Métabetchouan. Une  autre portion du sentier permet de relier Québec et Saguenay en passant par l’actuel parc des Grands-jardins. Chacune des deux sections de ce sentier totalise près de 300 kilomètres de longueur.

Durant l’hiver 1661, un amérindien Nipissingue arriva au lac St-Charles en raquettes après être parti de la baie d’Hudson. Puisqu’il affirme être passé par le lac St-Jean, on conclut alors qu’il existe sûrement un sentier connu des amérindiens reliant Québec au lac St-Jean. Quinze ans plus tard, et jusqu’en 1703, la portion ouest de ce sentier fut utilisée par les frères Jésuites pour transporter du bétail et des marchandises en hiver, afin d’approvisionner la mission et leur ferme à l’embouchure de la rivière Métabetchouan sur le lac Saint-Jean. Toutefois, il faut se projeter plusieurs milliers d’années en arrière pour découvrir les vraies origines de ce sentier préhistorique.

À une époque post-glaciaire, 5000 à 6000 ans plus tôt, la forêt boréale et les forêts feuillues n’existaient pas encore. Les glaciers se retirent alors tranquillement vers le nord, laissant derrière eux un socle rocheux, très peu de végétation et de nombreux plans d’eau. Les habitants de ce territoire, les Kabouchaks, ancêtres des Innus-montagnais, étaient nomades et se déplaçaient constamment pour suivre le gibier. Progressivement, la toundra de cette époque s’est transformée en toundra forestière et, par la suite, en taïga, avec l’émergence des premiers arbres et arbustes. Puis, ce fut au tour de la forêt boréale de faire son apparition, suivie de la forêt feuillue dans les basses-terres de la vallée du Saint-Laurent.

Le canot est alors devenu le principal moyen de se déplacer en été: plutôt que de créer et d’entretenir des sentiers en pleine forêt, les outils de l’époque n’étant pas adaptés à ce genre de travail, les innus-montagnais développèrent des voies d’eau par lesquelles il serait beaucoup plus facile de transporter bagages et familles. Ainsi, ils ne devaient entretenir que les sentiers de portage se trouvant entre deux plans d’eau et ceux permettant de franchir  des chutes ou des rapides trop risqués pour la navigation. En hiver, les déplacements en raquettes avaient lieu à l’intérieur de ce même réseau, à la manière des cervidés qui entretiennent leurs ravages durant l’hiver pour sauver temps et énergie.

D’après les recherches effectuées par plusieurs historiens, le sentier des jésuites tomba dans l’oubli dès 1697, après la fermeture de la mission des Jésuites à Métabetchouan suite à la disparition de la quasi-totalité des Innus-Montagnais de cette région. Presque en même temps, du côté de Québec, une épidémie de variole décime en 1703 presque toute la communauté des innus-montagnais: les quelques survivants n’ont alors d’autre choix que de rejoindre ce qui reste de leur communauté au Saguenay et au Lac-St-Jean. L’aventure Jésuite d’évangélisation en terre amérindienne n’aura donc duré qu’une vingtaine d’années.

Pour la suite de l’histoire, on sait que ce sont les Hurons-Wendat qui perpétuèrent l’usage du sentier des Jésuites après ces tristes événements. Arrivés à Québec vers les années 1650 après avoir quitté la baie Géorgienne, ils s’établissent définitivement dans le village de Lorette (aujourd’hui Wendake) en 1697. Pendant 200 ans, jusqu’à la création de la réserve faunique des Laurentides en 1895, ce sont eux qui assurent la pérennité du sentier des Jésuites (et des nombreux autres sentiers amérindiens se rattachant à celui-ci) en y établissant de nouveaux territoires de chasse. De 1820 à 1880, ils guidèrent les explorateurs, les arpenteurs et les colons britanniques lors des nombreuses expéditions qui traversent ce territoire, tandis que les Innus-Montagnais guidèrent les expéditions se dirigeant vers le Saguenay pendant cette même période, dans l’autre portion du sentier.

Contrairement à la croyance populaire, le sentier des Jésuites n’a pas été défriché par la main de l’homme: au contraire, comme le dit si bien Louis Lefebvre, l’historien derrière l’ouvrage “Le sentier des Jésuites 1676-1703”, c’est plutôt la forêt qui a poussé autour de ce sentier. Suite au retrait des glaciers, de génération en génération et des milliers d’années avant la construction des voies romaines en Europe, ce sentier de chasse s’est imprimé dans le coeur des Laurentides, sous les pas des premières nations qui suivaient les troupeaux de cervidés durant leurs migrations.

ITINÉRAIRE
Partant de la ville de Québec, il remonte la rivière st-Charles jusqu’au lac du même nom. Entre le lac St-Charles et Stoneham, il passe par les méandres de la rivière huron (marais du nord) pour quelques kilomètres et se sépare ensuite en deux circuits distincts. L’un se dirige vers le bassin versant de la rivière Jacques-Cartier pour rejoindre le lac St-Jean par l’intérieur des terres. À partir du hameau de Tewkesbury, il remonte le cours du ruisseau Tintin jusqu’à l’actuel club St-Vincent, pour ensuite traverser les hauts plateaux des Laurentides à travers d’innombrables lacs et rivières. Une fois la rivière Métabetchouan atteinte, il faut compter 160 kilomètres jusqu’au lac St-Jean, en descendant la rivière qui prend la forme d’immenses lacs en certains endroits.

L’autre portion du sentier des Jésuites continue sur la rivière Huron, puis la rivière Noire, la rivière Montmorency, l’actuel parc des Grands-jardins et la rivière Malbaie pour ensuite atteindre le Saguenay en utilisant quelques lacs, ruisseaux et étangs après la rivière Malbaie. Certaines variantes dans ces parcours existent en fonction de la saison où ils sont empruntés (été ou hiver): par exemple, plutôt que de quitter la rivière Jacques-Cartier à Tewkesbury comme c’était le cas en hiver, les voyageurs restaient en été sur la rivière jusqu’au sentier du Scotora, dans l’actuel parc de la Jacques-Cartier, où ils rejoignaient les hauts plateaux avant que la rivière ne devienne impraticable, à cet endroit mythique du parc que l’on appelle le taureau.